M. le Président !

M. le Président, bravo !

Bravo pour votre discours du Vel d’Hiv le 17 juillet 1995 ! Bravo pour VOTRE reconnaissance de cette aberration (entre autres) française. Vous aviez osé briser le mur du silence lorsque vous aviez déclaré :

    La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là , accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux.

Je ne vous en voudrai pas pour quelques « petites » simplifications historiques. Ce jour-là, M. le Président, « la France » ne s’est pas contentée de la Rafle du Vel d’Hiv. Ce jour-là, « la France » a aussi poursuivi les Juifs dans toute la zone occupée pour les déporter, et gare à ceux qui ont essayé de fuir. Il faudrait aussi mentionner que dans le reste de la zone occupée, « la France » a aussi séparé les enfants qu’elle a envoyés tous seuls à la mort quelques semaines plus tard. Il faudra aussi dire que « la France » ne s’est pas non plus contentée de « ce jour-là ». Quelques semaines plus tard, le 26 août 1942, « la France » raflait les Juifs étrangers de la zone « libre ». Ils furent eux aussi livrés aux Allemands avec leurs enfants. On devra aussi ajouter que « la France » ne s’est pas arrêtée là dans ses mesures contre les Juifs… Mais on ne peut pas demander à un président d’être un livre d’histoire, et  ses  aides ne sont pas toujours à la hauteur.

J’ai aussi noté votre engagement personnel et votre intention de mettre vos concitoyens à contribution :

    Cet incessant combat est le mien autant qu'il est le vôtre…

« Incessant combat », aviez-vous dit ? Incessant combat contre l’antisémitisme ? Incessant combat contre l’Islamophobie ? Incessant combat contre la haine des Gitans ? Incessant combat pour la fin de toutes les discriminations ?

M. Chirac, vous vouliez rire ! Vos anciens administrés sont aujourd’hui en roue libre.

Pensiez-vous sérieusement qu’il suffisait de remettre en question ce qui s’était passé cinquante-trois ans auparavant pour déclencher une avalanche de bonne citoyenneté ?

Monsieur le Président, j’ai le regret de vous informer que votre discours de 1995 n’a pas eu l’effet escompté. Je dirais même que le fléau du racisme a pris de l’envergure depuis votre fameuse intervention. Au lien de déclencher la solution des problèmes de fond, votre discours est devenu le centre d’un débat futile autour de la question : « Vichy représentait-il vraiment la France ou bien en était-il une aberration inconséquente ? »

Pendant ce temps-là, les racistes redoublent de haines, qui elles ne sont pas futiles.  La rue incite aujourd’hui contre les Juifs, les Musulmans, les Gitans, et tous ceux qui ne sont pas « comme nous ».

M. Chirac, le jugement du passé n’a de valeur que s’il nous engage à réparer le présent, partout et sans relâche.

Pour déraciner des haines multiséculaire, il faudra bien plus qu’un beau discours et un débat futile de vingt ans sur la justesse ou  l’iniquité de ce discours.  Le travail de base reste à faire. Il faudra instituer un programme éducatif, des motivations économiques, et un mécanisme de contrôle. Il faudra pour cela renoncer aux mauvaises habitudes et aux excuses

Il faudra aussi des leaders qui ne se contenteront pas de discours et qui sauront désamorcer les débats futiles dont le seul objet est de garder le statu quo ante.

free hit counters
 


English

flag